Une soirée de dialogue avec les agriculteurs et Mgr Lebrun

juin 1, 2011 0 comments
Lundi 30 mai à 20 h 30 à la salle des fêtes de Leigneux, une soirée d'échange autour de la situation des agriculteurs était proposée par l'Antenne Solidarité. Huit agriculteurs du canton de Boën et Saint-Georges-en-Couzan, dont trois femmes, se sont exprimés sur les réalités qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur métier, avec leurs joies et leurs difficultés.


Cette soirée s'est déroulée en présence du père Dominique, évêque de Saint-Etienne qui s’est dit « sensible à ce qu’il a entendu » ; du père Jean-Jacques Thivillier délégué diocésain au monde rural qui a donné la position de l’Eglise en matière de questions sociales ; de Michel Sabatier, administrateur de l’association « SOS paysans » à l’écoute des agriculteurs en difficulté ; d'élus et d'une assemblée nombreuse qui a pu poser ses questions après le témoignage des participants.

« L’Antenne solidarité est chargée d’être sensible à tous les domaines de la solidarité sur notre paroisse Saint Vincent en Lignon » soulignera le père Rémi en ouverture de rencontre. « C’est essentiel que l’Eglise soit attentive au monde qui l’entoure, car l’Eglise est dans le monde. Lors de sa visite pastorale, Mgr Dominique Lebrun a souhaité qu'une soirée de dialogue entre l’Eglise et la société soit organisée. Il nous semblait évident de donner suite à la rencontre que nous avions proposée le jeudi 8 octobre 2009 sur la crise du lait, car tout n’est pas réglé. Il est intéressant ce soir de poursuivre le dialogue et que vous, agriculteurs, puissiez vous exprimer ».

Choisir le métier de la terre aujourd’hui ? Quelles conséquences ?

 « Un métier de passion, mais difficile » : Si ANDRÉ n’a pas choisi d’être agriculteur et a succédé à son père, il ne regrette rien. Il trouve même un certain épanouissement dans ce métier notamment parce qu’à ses côtés, il a la chance d’avoir une épouse qui le soutient. Le travail à la ferme a l’avantage de permettre de garder une vie de famille privilégiée et équilibrée. Ses craintes ? Quand son fils a souhaité suivre cette voie « car ce métier n’est pas toujours valorisé dans la société et souffre d’à priori. J’ai eu peur qu’il ne se dégoutte, mais il a fait son choix, et nous le soutenons dans son projet de poules pondeuses ». André
« Un métier qui permet de voir grandir ses enfants ». Pour GENEVIEVE, ce métier est synonyme de « vie de famille » car elle a pu consacrer du temps à l’éducation de ses enfants et adapter ses journées en fonction de leurs besoins. C’est d’ailleurs pour cette relative indépendance qu’elle a fait le choix de reprendre la ferme de sa famille. Elle ne nie pas que « c’est un métier exigeant et difficile qui demande d’être à la fois chef d’entreprise, gestionnaire, manœuvre et qui donne souvent une image négative (surtout en montagne), mais la richesse de cette activité l’emporte sur la situation préoccupante dans laquelle nous vivons depuis plusieurs années ». Geneviève
« Un moral qui fluctue » Jeune agriculteur, SEBASTIEN a subi la crise du lait de plein fouet en 2009, pour lui, c’est inéluctable « la crise que nous avons vécue, nous la reverront d’ici peu de temps. Aujourd’hui, il y a un vent de libéralisme, il faut que les agriculteurs soient compétitifs, et l’objectif est clair : réduire les exploitations agricoles laitières ». Est-ce que cela remet en cause sa vocation ? « C’est comme la crise du lait, des fois, nous sommes en hausse de moral, des fois en baisse. Mais une chose est certaine, ce que nous gagnons aujourd’hui sert essentiellement à rembourser les prêts et le projet de réforme va nous fragiliser encore plus ». Sébastien
« La détresse ne se mesure pas en chiffres » NICOLE a repris la ferme de ses beaux-parents, un choix qui n’était pas évidement pour une femme il y a vingt ans, mais vivre à la campagne, bénéficier d’un cadre de vie agréable et organiser ses journées avec ses enfants l’ont motivée. Veuve à 46 ans, elle se retrouve en difficulté et reçoit le soutien de jeunes agriculteurs. Depuis la crise du lait, le métier est devenu difficile « avec des trésoreries à ras les pâquerettes et un moral qui fait le yoyo comme le prix du lait. Nous avons beaucoup de doutes, de questions et il n’y a pas grand monde qui prend en charge ce malaise. Cette détresse est tue ». Nicole
« Entraide et soutien financier grâce aux CUMA  (coopératives d’utilisation de matériel agricole) » JEAN-LUC travaille seul sur son exploitation laitière, il reconnaît que « cela est difficile et impose des contraintes qui ont un impact sur la vie de famille, notamment avec ses filles qui ne comprennent pas toujours son métier ». Investi dans deux CUMA*, il a toujours cru en la mise en commun du matériel agricole, « et j’y crois encore ! « souligne-t-il, même si ce n’est pas toujours facile de les faire vivre en raison du nombre croissant de grosses fermes qui s’équipent. « Travailler ensemble crée des liens, on discute, on mange ensemble à midi. C’est un moment convivial. Le métier a des avantages et des inconvénients mais mon épouse travaille à l’extérieur, cela aide financièrement ». Jean-Luc
« Commencer petit et s’agrandir peu à peu » STEPHANIE a toujours souhaité s’installer dans une ferme et élever des chèvres. Après une formation de fromagère c’est en 2007 qu’elle réalise son projet de jeunesse et s’installe à Sauvain. Une création qui a été assez bien perçue de ses voisins qui l’ont soutenue. Depuis, elle s’est associé à une amie qui élève des brebis laitières. Ensemble, elle transforme leurs productions en fromage, savons… Elle ne comprend pas que l’on puisse pousser les jeunes à investir des sommes importantes pour démarrer une exploitation. Pour sa part, elle a préféré commencer « petit » et s’agrandir peu à peu. « Il faut s’approprier son projet et ne pas toujours écouter ce qu’on nous conseille ». Stéphanie
« Il n’y a pas assez de solidarité » PIERRE-YVES travaillait en usine quand il décide de suivre un congé individuel de formation pour se lancer dans l’exploitation ovine. S’il reconnaît que le métier « de paysan n’est pas toujours facile » il insiste sur le fait qu’en usine « ce n’est pas simple non plus ». Ce qu’il attend de ce métier ? « Il ne faut pas forcément écouter ce qu’on nous préconise et je ne suis pas convaincu qu’il faille faire de l’élevage intensif et désirer toujours plus d’hectares. Nous avons davantage besoin de voisins que de terrain pour s’agrandir. Je regrette aussi le peu de solidarité entre agriculteurs, notamment en ce qui concerne le foncier ». Pierre-Yves
« Se mettre à plusieurs pour tenir le coup » THIERRY est associé en GAEC (Groupement agricole d'exploitation en commun) à Saint-Georges avec deux autres personnes ; ils étudient la possibilité de prendre une quatrième personne avec eux. Pour sa part il reconnaît « qu'il est difficile quelques fois de concilier la vie de famille et le travail quand on a une épouse qui n'est pas du milieu agricole ». Thierry

Frédérique Défrade