Une veillée de prière était proposée mercredi 27 novembre à 18 heures en l'église de Margerie.
Jean Devin ©Défrade |
Homélie de Mgr Dominique Lebrun
2 Co 4, 1.2.5-8.10-11.13-14 ; ps 121Mt 11, 26-28
Jean était aussi un priant. Je l’ai constaté en allant le rencontrer dans sa retraite de Gumières, le lieu de ses origines, le lieu également de son ordination - ce qui n’était pas courant à l’époque. Il avait même un côté mystique, medisait le P. Philippe Chomathier.
Alors, je ne suis pas étonné que vous ayez choisi une prière comme évangile : Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bonté (Mt 11, 25).
Quand la prière devient vie, quand la vie devient prière, on découvre la fausse opposition entre les deux : la vie a besoin de la prière ; la prière a besoin de la vie. Tel fut l’itinéraire de Jean. « Tu l’as révélé aux tout-petits ». Jean l’a vécu avant de le prier puis de le vivre avec d’autres, pour d’autres.
A Victor Laprade, élève, il fait partie des « bouseux », disent des camarades montbrisonnais - pardon à ceux qui sont présents ! Bien des années plus tard, avec un brin de fierté, il pourra dire que le bouseux - le tout-petit- est devenu l’aumônier national de l’action catholique des enfants, à l’époque des cœurs vaillants et âmes vaillantes. Oui, le Père s’est révélé au petit Jean Devin.
Jésus prie. Nous n’avons pas beaucoup de traces des prières de Jésus. Elle est donc très importante celle qu’ont recueillie ses apôtres. Qui sont ces tout-petits ?
Jean les a comme cherchés, aimés, choyés à partir des enfants de l’ACE. Mais combien d’adultes peuvent aujourd’hui dire comme Anne-Marie hier soir : Jean a semé, il a ouvert le livre ?
Jean était un adepte de la croissance, c'est-à-dire de l’espérance, un passionné des tout-petits qui ont un avenir en Dieu car Dieu les a rejoints en Jésus Christ. Dans le sillage du Concile Vatican II, il a souvent appelé les chrétiens à prendre au sérieux leur baptême, cette semence de vie divine dont nous avons trop peu conscience. Peut-être est-ce un charisme que Mgr Rousset lui avait reconnu en le nommant en 1972 au centre Saint-Etienne pour les vocations. Beaucoup ont pris des responsabilités grâce à lui ; beaucoup plus encore ont appris à relire leur vie d’homme, de femme, de parents, d’ouvrier ou d’exploitant agricole en particulier, en la confrontant à l’Evangile et en la découvrant belle et aimée du Seigneur : Père, je proclame ta louange, prie Jésus en pensant à la vie des tout-petits. C’est la grâce de l’action catholique de confronter sa vie à l’Evangile, dont toute l’Eglise et la société bénéficient aujourd’hui.
Depuis 1954, le Père Jean Devin a lui aussi répondu à de nombreux appels, j’en ai compté seize principaux. Seize fois, il a dit « oui » à son évêque. Je cite simplement deux lettres. En 1991, Mgr Joatton- Une proche du Père Joatton m’a dit qu’ils ne voulaient pas faire le voyage tout seul !- avait écrit qu’il souhaitait que « les prêtres approchant de 65 ans puissent présenter divers projets en vue d’une nouvelle forme de mission ». Le 10 mars 1993, à l’approche de ses 65 ans, il écrit sobrement en réponse : « Je viens vous dire mon entière disponibilité pour la mission que vous voudrez bien me confier au service de l’Eglise de Saint-Etienne ». Trois ans plus tard, au moment des orientations diocésaines de 1996, il écrit à nouveau : « Pour vous permettre de faire des prévisions de nominations, je viens vous redire ma disponibilité … je n’ai plus toute la santé de ma jeunesse … je ne vous demande pas de partir en retraite, car je n’ai jamais considéré mon ministère comme une carrière, et j’ai toujours essayé de le vivre comme un service. Je suis donc disponible ». Et il ajoute simplement : « Je ne souhaite pas avoir de responsabilité de ‘conduite’ »
Les tout-petits sont aussi les fragiles. Devant Dieu existe-t-il des êtres sans fragilité ? Ce trésor, nous, les apôtres, nous le portons en nous comme dans des poteries sans valeur ; ainsi on voit bien que cette puissance extraordinaire ne vient pas de nous mais de Dieu. Dans ses dernières années, j’ai assisté à son combat, dont Gilbert Thollet, pourrait peut-être mieux témoigner que moi. Il ressemble à ce qu’a vécu l’apôtre Paul. A la fois, avec la passion des apôtres, Jean voulait continuer à servir, à se retrouver entre prêtres pour relire sa vie, à discuter théologie, à partager la mission avec ceux qui ont la responsabilité de « conduite » et, à la fois, il se rendait compte qu’il ne pouvait plus, que l’essentiel était peut-être ailleurs pour lui. Nous avons eu une belle conversation à ce sujet lors de notre dernière rencontre à Gumières. Et, à la fin, c’est lui qui me proposa de prier ensemble. Peut-être est-ce un peu ce combat qu’il a vécu la dernière nuit de son passage sur terre avant de retrouver la paix peu avant de rendre son dernier souffle.
Jésus prie. Jean priait. Jean continue de prier pour nous, pour ton Eglise que tu as servie avec conviction. Continue de prier pour notre monde qui a été ta raison de vivre car il est la raison d’être de la mission de l’Eglise à la suite de Jésus.
+ Dominique Lebrun