Qu'est-ce qu'un docteur de l'Eglise ?

févr. 5, 2014 0 comments

Actuellement au nombre de 33, la croix.com nous explique ce qu'est un docteur de l'Église.

Saint Jean Damascène, Docteur de l'Eglise. 780
Saint Jean Damascène, Docteur de l'Eglise. 780

Qu'est-ce qu'un docteur de l'Eglise ?

Il s’agit de personnes reconnues non seulement pour leur sainte vie mais aussi en particulier pour leur « doctrine éminente », selon le principal critère retenu au Vatican. « L’Église attribue officiellement ce titre à des théologiens auxquels elle reconnaît une autorité particulière de témoins de la doctrine, en raison de la sûreté de leur pensée, de la sainteté de leur vie, de l’importance de leur Å“uvre », définit la Conférence des évêques de France.

Appréciés pour leur science considérable, leur profonde érudition et leur Å“uvre théologique, à la fois sages et savants, ce sont, serait-on tenté de dire, des saints intellectuels, si ce terme n’était pas anachronique par rapport à la plupart des docteurs retenus.


Qui sont ces docteurs ?

Même si la catégorie des docteurs de l’Église comprend pour l’heure seulement 33 noms, retenus sur plus de deux mille ans d’histoire, ils sont d’une large diversité. On y croise des évêques, des patriarches, deux papes (Léon 1er et Grégoire le Grand), un diacre (Ephrem le Syrien) et beaucoup de religieux, des Orientaux et des Occidentaux, des philosophes comme des mystiques, des hommes – 30 – et des femmes, au nombre de trois.

D’ailleurs, les trois derniers saints faits docteurs de l’Église sont des femmes : respectivement sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse d’Avila, proclamées en même temps en 1970, et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, dont Jean-Paul II annonça le nouveau titre à la fin des Journées mondiales de la jeunesse à Paris en août 1997. «Docteur de la science de l’amour », la sainte de Lisieux est devenue non seulement la plus jeune docteur de l’Église mais aussi celle la plus rapprochée de notre époque quand les autres docteurs remontent à l’Antiquité, au Moyen Âge, à la Contre-Réforme et à l’époque moderne.

Quelle différence avec les Pères de l'Eglise ?

Ne pas confondre les docteurs de l’Église avec l’appellation « Pères de l’Église ». Ces derniers ont, eux, la particularité d’avoir tous vécus pendant l’Antiquité, soit dans la période ancienne de l’Église. Leur reconnaissance comme « Pères de l’Église », issue de la tradition ancienne, s’est imposée d’elle-même, alors que celle de docteur de l’Église exige une attribution explicite du titre.

Si certains docteurs de l’Église sont aussi Pères de l’Église, tous les Pères de l’Église ne sont pas docteurs. Comme l’Université distingue certaines personnalités en les faisant ses docteurs honoris causa, l’Église catholique a conféré son titre de docteur à plusieurs Pères de l’Antiquité.

Des mystiques sont-ils docteurs ?

La mystique, c’est-à-dire l’union amoureuse avec Dieu vécue comme un avant-goût du Ciel, a développé une autonomie par rapport à la théologie, érigée, elle, en science de la foi. Ceci n’empêche pas les docteurs de l’Église de compter aussi parmi eux de grands mystiques.

Comme l’écrit le théologien allemand Walter Kasper (président émérite du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens) pour unir les deux approches : « Les concepts théologiques sans expérience religieuse sont vides, les expériences religieuses sans concepts théologiques sont aveugles. »

Parmi les docteurs de l’Église, on trouve ainsi, outre les trois femmes déjà citées, saint Jean de la Croix ou saint François de Sales.

Comment sont-ils sélectionnés ?

Si saint Thomas d’Aquin reçut le titre de docteur, au sens universitaire du terme, de son vivant, nul besoin d’avoir soutenu une thèse de doctorat avec mention pour devenir docteur de l’Église catholique ! L’attribution du titre de docteur de l’Église obéit à trois critères, qu’explicita Benoît XIV, pape de 1740 à 1758.

Il faut déjà être un saint canonisé. Deuxième critère, de fond, avoir une doctrine éminente, c’est-à-dire à la fois orthodoxe, originale et au rayonnement vérifié par les traductions de l’Å“uvre et son influence dans le monde. Troisième critère, être officiellement proclamé docteur par l’Église.

L’attribution de ce titre au fil de l’histoire n’a toutefois pas échappé aussi à des considérations politiques : souci d’équilibre entre nationalités européennes, entre ordres religieux : dominicains, franciscains, jésuites, carmes… Quitte à ce que cela prime sur l’éminence de leur doctrine.

« On n’étudie pas, dans les cours de théologie, saint Laurent de Brindisi pourtant fait docteur de l’Église ! », relève-t-on à Rome. La considération est aussi pastorale. Saint Alphonse de Liguori (XVIIIe siècle), canonisé en 1839, fut proclamé docteur dès 1871 par Pie IX pour faire alors valoir sa théologie morale au XIXe siècle.

En pratique, aujourd’hui, l’éminence de la doctrine est appréciée par la Congrégation des causes des saints, qui reçoit des lettres postulatrices de ceux plaidant ce titre pour un saint. La Congrégation pour la doctrine de la foi est aussi consultée sur le fond.

Après ces votes, la proposition du titre est soumise au pape, seule autorité habilitée, ou un concile général, à proclamer un docteur de l’Église. Cette proclamation, aujourd’hui souvent par lettre apostolique, fait désormais l’objet d’une célébration solennelle. Le calendrier liturgique réserve ensuite des mentions spéciales pour célébrer un docteur de l’Église.

Après saint Jean d’Avila, dont Benoît XVI pourrait annoncer le nouveau titre de docteur à l’occasion des JMJ de Madrid en août prochain, « il n’existe pas d’autres causes de doctorants en cours d’examen », confirme-t-on au Vatican. Ce qui n’empêche pas l’expression de demandes, comme celles, de France, en faveur de saint Louis-Marie Grignion de Montfort ou de saint Jean Eudes.

SÉBASTIEN MAILLARD