Nouvelle traduction du Notre Père

déc. 1, 2017 0 comments

 

« Ne nous soumets pas à la tentation » devient « ne nous laisse pas entrer en tentation »

À partir du 1er dimanche de l’Avent (3 décembre 2017), en France, la nouvelle traduction du Notre Père remplacera de manière officielle l’ancienne formulation dans toute forme de liturgie publique.
■ Pourquoi cette date et quel en est l’enjeu ?
La décision de modifier la prière du Seigneur n’allait pas de soi : d’abord parce qu’elle est la prière la plus mémorisée par les fidèles, ensuite parce que la traduction en usage a fait l’objet d’un consensus oecuménique. Il fallait donc de sérieuses raisons pour ce changement.


Nouvelle traduction du Notre Père - Avent 2017

Fidélité au texte grec

Il faut d’abord dire que ce verset est très complexe à traduire. Les exégètes estiment que derrière l’expression en grec du texte de Mt 6, 13 et Lc 11, 4 se trouve une manière sémitique de dire les choses. Aussi, la formule en usage depuis 1966, « ne nous soumets pas à la tentation », sans être excellente, n’est pas fautive d’un point de vue exégétique. Mais il se trouve qu’elle est mal comprise des fidèles à qui il n’est pas demandé de connaitre les arrière-fonds sémitiques pour prier en vérité la prière du Seigneur. Beaucoup comprennent que Dieu pourrait nous soumettre à la tentation, nous éprouver en nous sollicitant au mal. Le sens de la foi leur indique que ce ne peut pas être le sens de cette sixième demande. Ainsi dans la lettre de Saint Jacques il est dit clairement : « Dans l’épreuve de la tentation, que personne ne dise : "Ma tentation vient de Dieu", Dieu, en effet, ne peut être tenté de faire le mal, et lui-même ne tente personne » (Jc 1, 13). D’où la demande réitérée d’une traduction qui, tout en respectant le sens du texte original, n’induise pas une fausse compréhension chez les fidèles. (...)

La nouvelle traduction, « Ne nous laisse pas entrer en tentation », écarte l’idée que Dieu lui-même pourrait nous soumettre à la tentation. 
Le verbe « entrer » reprend l’idée ou l’image du terme grec d’un mouvement, comme on va au combat, et c’est bien du combat spirituel dont il s’agit. Mais cette épreuve de la tentation est redoutable pour le fidèle. Si le Seigneur, lorsque l’heure fut venue de l’affrontement décisif avec le prince de ce monde, a lui-même prié au jardin de Gethsémani : « Père, s’il est possible que cette coupe passe loin de moi », à plus forte raison le disciple qui n’est pas plus grand que le maître demande pour lui-même et pour ses frères en humanité : « Ne nous laisse pas entrer en tentation ».

Jacques Rideau – Ancien directeur du Service national de la pastorale
liturgique et sacramentelle (SNPLS), Directeur au Séminaire français de Rome

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D'où vient le Notre Père ?

On trouve cette prière dans deux évangiles : chez Matthieu ( 6,8b-13 ), et chez Luc ( 11,2b-4 ). Chez Luc, c'est en voyant Jésus prier que ses disciples lui ont demandé : « apprends-nous à prier ». Jésus leur donne la prière du Notre Père. C'est la prière de Jésus qui nous permet de prier Dieu à la manière de Jésus, le Fils de Dieu. C'est donc la prière de tous les enfants de Dieu.

Quelle est la version originale du Notre Père ?

Jésus parlait Araméen, la langue locale. Les évangiles ont été écrits en grec, la langue administrative de l'époque, car leurs auteurs voulaient que le plus grand nombre de personnes les comprenne. Entre 382 et 420, Saint Jérôme a traduit la bible en latin, la langue la plus répandue à l'époque, pour qu'un grand nombre de croyants puissent entendre la bible. La 6ème demande est en latin : « et ne nos inducas in ». Cette version latine n'est pas modifiée et reste en usage. Puis, au cours des siècles, chaque pays a traduit dans sa langue la bible à partir du latin. En Français, il y a eu plusieurs traductions. Celle que nous utilisions pour l'instant date de 1966 : « et ne nous soumets pas à la tentation ».

Pourquoi avoir changé la traduction ?

Ceux qui ont appris une autre langue que la leur savent qu'il n'y a pas toujours de correspondance parfaite entre les mots. Il y a des langues dont les mots sont plus imagés, d'autres plus conceptuels ; certaines langues pour lesquelles un mot suffit alors que pour d'autres il y a diverses formules selon des subtilités. La traduction française de 1966 n'est pas fausse, mais elle est régulièrement mal comprise. Certains en viennent à penser que Dieu nous tente, que c'est lui qui nous envoie des tentations pour nous éprouver. C'est bien sûr faux ! L'apôtre Jacques dit dans une lettre : « Que personne ne dise : ma tentation vient de Dieu » ( Jc 1,13 ). La nouvelle traduction avec le verbe « entrer » reprend l'idée du texte original grec d'un mouvement, comme on va au combat, car c'est du combat spirituel qu'il s'agit. Dans cette demande, nous demandons à Dieu de nous donner la force de lutter contre les tentations qui surviennent dans nos vies. Ne pas entrer en tentation demande donc une décision du cœur et la force de Dieu : « Priez pour ne pas entrer en tentation » ( Mt 26,41 ).