Témoignage : Vatican 2 a bouleversé l'Eglise

oct. 17, 2012 0 comments
A la messe de rentrée, Monique Jacquet a apporté son témoignage sur ce qu’elle a vécu à Lourdes lors du rassemblement des Eglises diocésaines en mars 2012. Trois jours denses pour revivre les moments forts du concile Vatican II. Elle revient sur l’ambiance et sur ce qu’elle retient du concile cinquante ans après.



"Avec mon mari, Dominique, nous avons eu la chance d’aller à Lourdes. Ce rassemblement a été l’occasion de nous plonger dans le message du concile Vatican II pour mieux mesurer comment cet événement a profondément marqué la vie de notre Eglise et prendre conscience qu’elle est aujourd’hui le fruit de ce concile.

Nous étions environ cinquante personnes à partir, du diocèse de Saint Etienne avec le père Dominique, notre évêque. Un chiffre symbolique puisque nous fêtons cette année les cinquante ans de l’ouverture du Concile. Beaucoup parmi nous sont nés après le concile et par conséquent n'ont pas connu l'avant concile. Nous avons donc fait l’expérience de ce qui s’est vécu le 11 octobre 1962.

A Lourdes, nous étions une assemblée de deux mille cinq cents personnes environ comme le nombre de pères au concile. Un chiffre symbolique aussi qui nous a permis de constater combien il a dû être difficile de travailler en étant autant de personnes, surtout que les évêques ne se connaissaient pas tous entre eux. Ils venaient du monde entier, ne parlaient pas la même langue, n’avaient pas la même culture… . Et malgré ces différences de taille, ils ontfait connaissance, prié, réfléchi et travaillé ensemble, avec la conviction très forte que l'Esprit Saint était présent avec eux.

Dans les vidéos que nous avons vues, j’ai ressenti la joie de tous ces évêques de se retrouver ensemble pour entreprendre un travail formidable. Mais, j’ai perçu aussi une certaine appréhension à cause de la grandeur de l’événement.

C’est un peu ce qu’on a ressenti à Lourdes (à une échelle moindre, bien sûr, l’enjeu n’était pas le même), nous étions un peu impressionnés par ce rassemblement national de notre Eglise. En plus nous avions été délégués chacun pour notre paroisse, ce qui faisait de nous des porte-paroles pour aujourd’hui. C’est une lourde charge de retransmettre ce que nous avons vécu. Nous ne nous connaissions pas non plus, mais nous avons fait connaissance, prié ensemble, célébré ensemble et nous avons été aussi portés par l’Esprit Saint.

Une petite anecdote de Mgr Etchegaray qui était au concile à Lourdes a dit qu’il avait été impressionné par la procession d’entrée des évêques vers la basilique St Pierre. Cette procession mesurait presque trois kilomètres. Elle signifie pour moi l’Eglise du monde entier qui avance vers un même but, un même lieu autour d’un même Dieu qui s’est fait homme. Cette Eglise en marche est une image assez forte qui m’a marquée.

J’avoue qu’à Lourdes, j’ai été impressionnée par cette assemblée venue de toute la France pour un même événement d’Eglise (même si notre procession ne faisait pas trois kilomètres !!). Elle signifie notre Eglise encore en marche. Il y avait aussi une effervescence, une joie de revivre ce qui a marqué notre Eglise et qui a marqué du coup notre manière d’être chrétien aujourd’hui. C’est un peu comme si nous avions été au concile !

Avec les participants des autres diocèses de France, nous avons entendu des témoignages, vu des reportages sur le concile, le contexte, les points importants. Ça a été assez dense. Et il est très difficile de résumer en quelques minutes trois jours de conférence, de célébration, de discussion.

Pour dire ce que je retiens de manière simple (surtout pour les enfants), je voudrais partir d’une histoire. Une histoire pour faire comprendre ce qui s’est joué à Vatican II. C’est une histoire que j’ai trouvée dans un livre de caté, et que j’ai un peu aménagée :

« Il était une fois une très vieille maison, très grande, avec beaucoup de pièces, beaucoup d’escaliers, de greniers, de couloirs, de placards… . Il y avait un peu de poussière aussi. Cette maison était habitée depuis très longtemps, par la même famille. Une très grande famille, des jeunes, des moins jeunes, des vieillards, des riches, des pauvres… . Cette famille était tellement nombreuse qu’on ne pouvait compter tous les membres. Cette vieille et grande maison accueille un jour, un nouveau maître de maison. Il est âgé, il s’appelle Jean. On ne tarde pas à l’aimer.

Il veut moderniser cette maison mais sans la démolir, sans toucher aux fondations. Il dit qu’il faut ouvrir les fenêtres de la maison pour faire entrer l’air frais et la lumière ; qu’il faut se débarrasser des vieilleries qui encombrent certaines pièces ; arracher les barbelés qui barrent la porte de la clôture, et redonner à la maison un air de jeunesse. Et il veut faire une grande fête où on inviterait les cousins les plus éloignés, ceux avec qui on s’est brouillés depuis longtemps, ceux qui ont quitté la maison. On relirait avec eux le livre où sont inscrites les paroles et les actions du fondateur de la famille. Ce fondateur qui est mort il y a plus de 2000 ans maintenant pour que l’humanité devienne une seule famille. Certains ne comprenent pas pourquoi il y a tout ce remue-ménage ! Ils pensent qu’on ne va pas reconnaitre la maison.

Alors Jean, le maitre de maison répond qu’il serait bon de se rencontrer, de se parler, de s’écouter pour renouveler l’esprit de la famille, de changer nos habitudes… . Et surtout, il dit qu’il faut penser à tous ceux qui disent qu’on ne peut pas vivre heureux dans cette maison tellement elle leur parait vieille.

Et bien cette réunion a eu lieu.

C’était le concile Vatican II… et le remue-ménage dure encore ». [1]

Ce maître de maison, vous l’avez compris est le pape Jean XXIII qui a convoqué un concile au moment où l’Eglise sentait le besoin de se renouveler. Il ne vivra malheureusement pas la fin du concile puisqu’il mourra le 3 juin 1963. Le pape Paul VI, élu le 21 juin continuera sur la lancée.

C’est cette impression de renouvellement, d’ouverture que je retiens du concile, cet enthousiasme à la suite de la convocation du concile. Cet événement a bouleversé non seulement l'Eglise mais aussi le monde (puisque le général De Gaulle disait « C’est un des événements les plus importants du XXème siècle »).

Mais ce concile n’est pas tombé du ciel comme ça avec le pape Jean XXIII. Il est le résultat d’une lente germination. Sous le pontificat du pape Pie XII, le terrain avait été préparé : Pie XII avait remis en valeur la vigile pascale ; l’action catholique était déjà active ; avec le père Lagrange les études bibliques étaient en plein renouveau… .

Il y a à la fois continuité dans la doctrine de l'Eglise et la Bonne Nouvelle du Christ qui n’ont pas changé. Et renouveau dans le langage. Le concile est en quelque sorte un renouveau dans la continuité.

Le pape Jean XXXII convoque le concile pour renouveler le visage de l'Eglise. Les chrétiens réalisent davantage que l’Eglise est tout le peuple de Dieu (les prêtres, les religieuses, les moines, les laïcs…).

Le pape veut ouvrir un dialogue avec le monde. « Je veux ouvrir largement la fenêtre de l'Eglise, afin que nous puissions voir ce qui se passe dehors, et que le monde puisse voir ce qui se passe chez nous » Jean XXIII.

Le concile œuvre pour restaurer l'unité des chrétiens (entre catholiques, protestants, orthodoxes) : il avance sur la question de l'œcuménisme. Il s’emploie à mieux connaitre les autres religions (les juifs et musulmans). Il est persuadé qu’entretenir de bonnes relations avec les autres religions conduit à la paix.

Il veut donner une place centrale à la Parole de Dieu : dans la liturgie, la catéchèse, dans la vie du chrétien. Elle est replacée au centre de toute démarche de foi.

Il s’emploie à renouveler la liturgie et les sacrements.

Il remet en valeur de diaconat permanent. Vatican II a rétabli le diaconat comme un état permanent, alors qu’il était jusqu’à lors une étape vers l’ordination sacerdotale.

Il reconnait la place des laïcs (reconnaissance d'un ministère de laïcs).

Les laïcs aujourd’hui exercent de nombreuses responsabilités dans l’Eglise. L’Eglise entre ainsi en dialogue avec elle-même, avec les autres chrétiens, avec les autres religions, avec les non-croyants. Elle veut respecter la liberté religieuse".

Monique Jacquet



[1] Tiré du livre « Montrez-nous des chrétiens »

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